L'analyse
de la Fondation des Femmes

La médecine est certes une science, mais elle n’est pas neutre. Les femmes et les hommes qui font la médecine sont tout autant imprégnés par les stéréotypes présents dans la société. Les femmes guérisseuses, caricaturées en sorcières au fil des siècles, ont été exclues progressivement, et la médecine est devenu un métier d’hommes, jusqu’à la fin du 20eme siècle. La santé et les représentations des corps des femmes ont donc été façonnées au travers du regard des hommes. Ce n’est que récemment que les femmes reprennent une place prépondérante dans les promotions à la faculté. Résultat : alors qu’on pourrait penser que la santé est neutre, l’importance des sujets de santé typiquement féminin a été minoré, et le traitement des patientes est parfois problématique.   Les femmes et la santé, c’est aussi plus généralement le rapport des femmes à leur corps et à la maîtrise de leur corps : la capacité à décider pour soi, liée à la connaissance nécessaire pour faire ses propres choix, de manière éclairée.

Corps masculins et corps féminins ont chacun des particularités. La plupart des femmes auront ainsi des règles pendant une bonne partie de leur vie. Alors que cela est d’une banalité affligeante,  il existe encore un véritable tabou autour des menstruations, qui peut déboucher sur des conséquences graves telles que la non-prise en charge de problèmes de santé liés. Par exemple, l’endométriose, une maladie chronique touchant 1 femme sur 10, n’est encore que très peu connue. Selon les estimations, le délai entre les premiers symptômes et le diagnostic de la maladie est de 6 à 10 ans. Cela se retrouve par ailleurs dans le manque d’informations disponibles pour les femmes qui traversent la ménopause. Ainsi, 80% des femmes présentent au moins un autre symptôme que l’arrêt des règles. De même, 20 à 25% des femmes se plaignent de troubles affectant leur qualité de vie à un moment ou un autre de leur ménopause. Pourtant, il existe encore un tabou très fort autour de cette période de la vie qui touche les femmes en moyenne à partir de 50 ans.

Naître avec un sexe féminin implique également une cinquantaine de rendez-vous gynécologiques au cours de sa vie, que cela soit pour des questions de dépistage, contraception ou grossesse. Pourtant, depuis plusieurs années, des témoignages émergent pour témoigner d’expériences inconfortables ou traumatisantes avec le personnel médical. Le hashtag PayeTonUtérus a ainsi récolté 7000 témoignages en 24 heures, qui peuvent aller de remarques désobligeantes sur l’apparence des femmes, de jugements sur la sexualité des patientes ou encore, d’actes gynécologiques invasifs (touchers vaginaux) exercés sans demande de consentement préalable, sans explication de l’intérêt médical et parfois sans même avoir prévenu la patiente.

Ces témoignages se retrouvent lors du suivi et de l’accouchement. Alors que le consentement est nécessaire pour tout acte médical, 85% des femmes déclarent que leur consentement n’a pas été demandé avant la réalisation d’une épisiotomie selon l’enquête réalisée par le CIANE sur l’accouchement. Cet acte chirurgical (visant à pratiquer une incision au niveau du périnée afin d’agrandir l’orifice lors d’un accouchement) n’est pas anodin. Confortable pour l’obstétricien puisqu’il accélère l’arrivée du bébé, parfois recommandé médicalement pour éviter des déchirures plus graves, il peut néanmoins également engendre des complications chez la mère et particulièrement pour sa sexualité future. Alors que  l’Organisation Mondiale de la Santé préconise un taux d’épisiotomie de 10%, en France 35%* des femmes accouchant pour la première fois ont une épisiotomie. Cette moyenne masque de grandes disparités : de 0,3 à 45% selon les politiques des différentes maternités, preuve s’il fallait, que l’épisiotomie n’a pas à être systématique.

La capacité à décider pour son propre corps est un enjeu qui concerne enfin tout particulièrement l’IVG. Alors que selon les estimations de l’INED, 33%** des femmes auront recours à l’IVG au cours de leur vie, on dénombre encore plusieurs entraves à ce droit, acquis en 1974. Des entraves géographiques tout d’abord, puisque 130 établissements de santé pratiquant l’IVG qui ont fermé entre 2001 et 2011. Plus encore, de nombreux.ses médecins font valoir leur clause de conscience leur permettant de ne pas pratiquer l’IVG pour des motifs personnels. Si aucune étude n’existe sur le nombre de médecins y ayant recours, il est apparu récemment que dans certains centres, il était devenu impossible de trouver un gynécologue acceptant de pratiquer des IVGs. Enfin, l’entrave à cette pratique est également numérique car plusieurs sites Internet prétendant être des sites d’information sur l’IVG sont en réalité des sites de désinformation qui cherchent à dissuader les femmes. Les textes de loi visant à limiter leur impacts négatifs sont pour le moment difficiles à mobiliser.

 

* INSERM, DREES, Enquête nationale périnatale. Rapport 2016. Les naissances et les établissements, situation et évolutions depuis 2000, novembre 2017

** Population et Sociétés, “Un recours moindre à l’IVG, mais plus souvent répété”, Magali Mazuy, Laurent Toulemon, Elodie Baril, n° 518, janvier 2015

“Clara est allée aux urgences la semaine dernière suite à des saignements rectaux. Le médecin l’a pénétrée digitalement en lui mettant un doigt dans le vagin. Choquée, elle lui demande ce qu’il fait, il répond qu’il s’est trompé.”

- Témoignage issu du rapport du HCEfh “Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical”, 2018