L'analyse
de la Fondation des Femmes

La précarité est « […] l’absence d’une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit le plus souvent à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence qu’elle tend à se prolonger dans le temps et devient persistante, qu’elle compromet gravement les chances de reconquérir ses droits et de ré-assumer ses responsabilités par soi-même dans un avenir prévisible* ». La précarité touche femmes et hommes, et dans les deux cas, cette situation est dramatique. Mais les causes et les conséquences de cette précarité sont-elles identiques pour les femmes ou les hommes ?

Les femmes sont en général plus touchées que les hommes par la précarité en emploi. Une des causes de la précarité des conditions de vie des femmes s’explique en partie par les différences en terme de role social. Par exemple, il serait « naturel » que les femmes occupent ou choisissent d’occuper des emplois à temps partiel vu « leur » besoin de conciliation travail-famille. Plus de 80% des emplois à temps partiels sont ainsi occupés par des femmes. Les métiers féminisés sont également moins valorisés financièrement et les femmes sont cantonnées à des postes subalternes, entre un « plancher collant » et un « plafond de verre ». Dans le couple, on aura tendance à favoriser la carrière de l’homme, objectivement souvent plus rentable que celle de la femme. Ce faisant, le salaire des femmes reste souvent le salaire d’appoint du couple et il en sera de même pour sa retraite, avec une pension de droit direct en moyenne inférieure de près de 700€ par rapport à son conjoint. Mais que se passe-t-il lorsque l’équilibre familial explose, que les couples se séparent ou que la femme doit fuir un conjoint violent? Les conséquences de cette précarité économique sont alors dramatiques.

Les familles monoparentales, c’est-à-dire avec seulement un parent en charge de(s) enfant(s), représentent aujourd’hui une famille sur 5 en France. Parmi ces familles, dans 80% des cas, ce sont les femmes qui sont en charge. Vu la situation financière précaire des femmes, cumulé au non versement des pensions alimentaires des ex conjoints (40%), ces familles ont un risque accru de tomber dans la pauvreté. De fait, un tiers des familles monoparentales vit aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté.

De la précarité à la grande pauvreté, la frontière est poreuse, et ce d’autant plus lorsque les femmes cumulent d’autres facteurs de discrimination et de vulnérabilité (femmes racisées, femmes migrantes, femmes handicapées, etc…). Le nombre de femmes sans domicile, a explosé ces dernières années. Elles représentent selon les estimations de l’INSEE 38% des sans abri. Confrontées à des problématiques propres à leur condition de femme dans la rue, elles sont notamment particulièrement exposées au risque d’agressions sexuelles. Une étude de la Fondation des Femmes auprès de 57 femmes sans-abri a ainsi révélé que 93% d’entre elles avaient subi des violences avant ou pendant leur entrée en centre d’hébergement d’urgence, montrant la nécessité de prendre en compte la question du genre dans la prise en charge des personnes en situation d’extrême pauvreté.

* Joseph Wresinski, Rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », 1987